Programme complet des Séminaires 2017-2018

Tout le programme des séminaires numériques 2017 & 2018

Réception des projections coloniales en Algérie : le dilemme du S.D.C. entre les versions française et arabe dialectal
Comme d’autres puissances coloniales en Afrique, la France a organisé des projections cinématographiques pour renforcer son emprise sur les populations colonisées et apporter un « message éducatif ». Les Britanniques étaient les premiers à généraliser ce type de propagande avec la création du Colonial Film Unit (CFU) lors de la deuxième guerre mondiale, suivis des gouvernements coloniaux au Congo belge et en Algérie française. Si l’inefficacité de ces séances est aujourd’hui largement attestée (Rolot, Ramirez, 1990 ; Burns, 2000 ; Bouchard, 2011), il est tout de même intéressant d’interroger ces dispositifs en détail, afin, par exemple, d’observer comment certains organisateurs ont tenté d’adapter les films à l’audience, soit en donnant un contenu local aux films, soit en traduisant et commentant en direct les films dans la langue des spectateurs (l’un n’excluant pas l’autre).

Or, si la langue de projection est un facteur important dans cette forme de contrôle des opinions, il est loin d’être le seul et il ne semble pas y avoir de solution idéale : chaque organisateur cherche alors un compromis entre ses contraintes techniques et économiques, le contexte socio-politique et la manière dont il conçoit la propagande cinématographique. Si l’on prend l’exemple de l’administration française en Algérie, le Service de diffusion cinématographique (SDC), en charge de propagande du Gouvernement Général, était confronté à de nombreux problèmes : diversité des publics (Européens plus ou moins francophones ; populations arabophones ; Kabyles ; etc.) ; disponibilité des films en version française ; faiblesse des budgets de doublage ; nécessité d’expliquer le film avant, pendant et après la projection ; etc.

À travers une analyse des comptes rendus produits par le SDC et disponibles dans les archives de l’ANOM, cette présentation vise à explorer comment les films étaient reçus, en particulier en fonction de la version de diffusion. En contextualisant l’importance de la langue de projection, cette communication montrera l’efficacité relative de ce mode de propagande, où la diffusion de contenu et d’idéologies à lieu autant via le discours véhiculé par les films qu’à travers l’aspect spectaculaire du dispositif lui-même.

Bio: Vincent Bouchard est Assistant Professor of Francophone Studies à Indiana University – Bloomington. Après une double formation en études cinématographiques à Sorbonne Nouvelle (Paris 3), et en littérature comparée à l’Université de Montréal, il a enseigné dans le programme d’études francophones de l’Université de Louisiane à Lafayette. Il a publié Pour un cinéma léger et synchrone à Montréal ! aux Presses Universitaires du Septentrion (2012). Il a également coédité un numéro de la revue Cinémas (« Cinéma & oralité », 2010) ainsi que Dialogues du cinéma (Nota Bene, 2016).

 

Le 24 mai 2018 : Séance jeunes chercheurs [ANNULÉ]
Francis Mendjiengoue – « Circulation des films Nigérians en Afrique subsaharienne en langue locale : yorouba, igbo et haoussa »

Bio: Francis Menjiengoue est actuellement étudiant en Master 2 Cinéma et audiovisuel à l’université de Paris 3 – Sorbonne nouvelle. Il est titulaire d’un diplôme en Management de la production audiovisuelle. Parallèlement, il a occupé des postes d’assistant de production et de post-production. Il a été chef de projet pour NRJ music awards dans le cadre d’un projet étudiant.

ABSTRACT: Au Nigéria on compte environ 450 langues locales et 250 communautés, regroupées en quatre ethnies principales : le Haoussa, le Peul, le Yorouba, et le Igbo. Les langues les plus parlées sont l’Haoussa, le Yorouba et le Ibo. En plus de l’anglais comme langue de communication nationale, on pourrait aussi rajouter le pidgin. La langue Haoussa fait partie des langues tchadiques, chamito-sémitiques. En 2011 elle était parlée par environ 50 millions de personnes dont les trois quarts se trouvent au Nigéria. Cette langue est aussi parlée dans d’autres pays d’Afrique : au Cameroun, au Benin, au Burkina Faso, en Côte d’ivoire, au Ghana, au Niger, au Nigéria, au Soudan, au Tchad, au Togo. Le yorouba, quant à lui, est une langue tonale de la famille nigéro-congolaise. Il est parlé au Benin, au Togo, aux Antilles, et à Cuba par les descendants d’esclaves africains pratiquants le syncrétisme. Cette langue est parlée aujourd’hui par environ 30 millions de personnes. Quant à l’Igbo, c’est une langue uniquement parlée au Nigéria et sa diaspora par environ 30 millions de personnes.

Le Nigéria est aussi un pays subdivisé en deux, le nord musulman et le sud chrétien. L’industrie cinématographique et audiovisuelle du nord est différente de celle du sud. Au nord, en plus des lois fédérales, il y a la pratique de la charia dans 12 Etats musulmans. Cette charia s’applique aussi dans les contenus vidéo produits dans chaque Etat musulman. Par exemple dans les vidéos, les filles ne doivent pas tourner en tenue légère. Kano est le pôle central de production des films musulmans, d’où le nom donné à cette industrie du nord du pays : « kannywood ». Tandis que dans le sud chrétien la production cinématographique est différente, et moins contraignante ; le centre de production se trouve à Lagos. On pourrait subdiviser la production du sud en trois catégories : yoruwood pour les films tournés en langue yorouba et igbowood pour les films tournés en langue igbo. A côté de ces trois cinématographies majeures, il existe d’autres petites « wood » d’une ampleur peu importante correspondant aux autres langues parlées au Nigéria, notamment le edo, le bini, etc. Selon Olivier Barlet, en 2004, 40 % des films étaient tournés en pidgin-English, 35% en yorouba, et 17,5% en haoussa et le reste en d’autres langues nigérianes.

Comme nous venons de voir, l’industrie du cinéma au Nigéria est subdivisée en plusieurs industries : l’industrie de la vidéo houssa, yorouba et igbo. Par manque de véritables productions locales dans différents pays d’Afrique listés précédemment ; ces films nollywoodiens s’exportent dans ces pays d’Afrique. Car ils ont en commun les mêmes langues vernaculaires l’haoussa, yorouba utilisé dans les différents films ainsi que les mêmes religions : musulmane ou chrétienne. Ces films divertissent et se rapprochent du quotidien des populations qui s’identifient directement à ces vidéos. Lorsque les films sont même produits dans ces autres pays d’Afrique, ils sont généralement destinés à une cible totalement occidentale « les festivals occidentaux » et sont parfois en déphasage avec les attentes des populations locales de ces différents pays ; alors que les films nollywoodiens sont tournés en leur langue locale, et traitent des thématiques africaines. Dans cette présentation, nous examinerons la circulation des films liée aux langues dans lesquelles ils sont tournés.

Amina Bensalah – « Enjeux culturels de la traduction cinématographique au Maroc : Cas de la prière de l’absent du réalisateur Hamid Benani »

Bio: Amina Bensalah est doctorante à la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Mohammed I de Oujda, Maroc. Elle a commencé une thèse sur la traduction au Laboratoire Langues, cultures et traductions, sous l’encadrement de M. TIJJINI Mustapha.

ABSTRACT : Les adaptations cinématographiques proposent des tournures idiomatiques et références culturelles propres à chaque pays. La diffusion de ces oeuvres hors de leur espace linguistique d’origine impose donc de recourir à des modes de traduction audiovisuelle tels que le sous-titrage. L’un des grands défis de sous-titrage consiste à restituer les dialogues le plus fidèlement possible, tout en respectant les contraintes culturelles.
Il est évident que les sous-titrages sont influencés par la culture puisque « les mots ne peuvent pas être compris correctement, séparés des phénomènes culturels localisés dont ils sont les symboles» (George MOUNIN, les Problèmes Théoriques de la Traduction, Paris :Gallimard, 1986, p: 207) aussi bien la culture originale du film que la culture du pays de sous-titrage. C. Whitman et Y. Gambier ont prouvé que le texte audiovisuel est un texte dont le langage est soumit à des restrictions culturelles. Alors que se passera-t-il lorsque ces mots sont différents des phénomènes culturels dont ils sont le symbole? Comment peut-on traduire la valeur culturelle portée par les films dans une langue étrangère à cette même culture ? Peut-on même traduire le culturel dans le film ou s’agit-il de l’intraduisible ?
Nous essaierons dans notre communication de répondre à ces questions en nous basant sur l’analyse d’un corpus des éléments culturels tirés des sous-titrages de « La prière de l’absent » (1995) du réalisateur marocain Hamid Bennani

  • Le 29 mars 2018 – Elena Razlogova – “Simultaneous Film Translation and the Soviet Experience of Arab Cinema”

Elena Razlogova’s video:

Livestream link:

 

Ce projet à été rendu possible grâce aux étudiants de la LP MIDEN de l’IUT Robert Schuman: Maxime Bristiel, Samantha Gimonet, Nicolas Guth, Samphearom Sam-Dantzer et pour le montage vidéo Olivier Dantzer.

Bio: Elena Razlogova is an Associate Professor of History at Concordia University in Montréal. She is the author of The Listener’s Voice: Early Radio and the American Public (2011) and co-editor of “Radical Histories in Digital Culture” issue of the Radical History Review (2013). She has published articles on U.S. radio history, music recommendation algorithms, and film translation in the Soviet Union. She was an executive producer on a digital project Gulag: Many Days, Many Lives. She is currently working on a history of simultaneous film translation and transnational networks at Soviet film festivals.

ABSTRACT: Based on interviews with film translators and government documents, this presentation proposes to investigate how Arab cinema circulated in live translation in the Soviet Union at international film festivals in Moscow (from 1959) and Tashkent (African and Asian cinema, from 1968), and post-festival screenings and “cinema weeks” in Central Asia, the Caucasus, Russia, and other Soviet republics. These festivals featured the widest selection of Arab cinema: Egyptian blockbusters, shorts by Syrian students from VGIK (All-Union State Film School in Moscow), liberation cinema of Palestine, and more. Arabic was so prominent at the Tashkent festival that in 1974 Arab participants proposed to make it an official language of the festival, in addition to Russian, English, and French. I argue that these numerous festivals and screenings, more than the few Arab pictures selected and dubbed for national distribution, convey the reception of Arab cinema in the Soviet Union. Thanks to live translation, the films acquired what Naoki Sakai calls “heterolingual address”—a “fundamental, determination of your addressee [as] the one who might not comprehend your language, that is, of the foreigner.” Artisanal and inexact practice of live interpreting encouraged spectators to make aesthetic and political discoveries in Arab films.